Lyrics
Lentement et distinctement, une intrusion cruelle. Une érosion mortelle.
Réveil, humide et froid. Lumière bleutée s’insinue par les interstices. Lune glacée plante sa lame dans ma petite maison. Tous le bois est carbonisé, et les couvertures cristallines. Les flocons craquent sur le toit, et le givre sur le crépi. Un monstre immaculé grignote ma maigre forteresse. La menace est discrète, mais se délecte d’un lent effort destructeur implacable. J’éternue, mais rien ne sort. Mes oreilles se cassent. Je ne sens plus mes doigts. Le vent glacial murmure des menaces de mort. Je voudrais appeler Jeanette. Elle m’a quittée au solstice. Je n’ai plus de batterie.
Lentement et distinctement, une intrusion cruelle. Une érosion mortelle.
Un secours inespéré survient, quand de grands coups résonnent contre le bois humide de la porte d’entrée. Le double vitrage, couplé à l’accumulation de la neige dans les interstices de la porte, me rend sourd à toute parole. Les coups cessent. Peut-être est-il parti. Peut-être est-il mort.
Lentement et distinctement, une intrusion cruelle. Une érosion mortelle.
La façade commence à céder face au lent travail des doigts crochus du vent glacé. Les morceaux qui se détachent se font plus gros, plus nombreux, plus fréquents. Je marche difficilement vers la cuisine. Dans un placard, se trouve ma dernière bouteille de vin. Une piquette bon marché, ouverte depuis une semaine. Vinaigre ou alcool, il me faut oublier les piqures insistantes. Je dois m’y reprendre à trois fois pour enlever le bouchon de remplacement, et à deux mains, pour porter la bouteille à ma bouche. Je ne distingue pas le gout. Un filet abrasif le long de mon œsophage.
Lentement et distinctement, une intrusion cruelle. Une érosion mortelle.
Mes idées, déjà confuses, s’évanouissent. Une fine pellicule de graisse m’envahir le cerveau, dégoulinant salement le long de mon corps. Une vague d’huile de friture usagée, ou de diesel salis. J’étais debout, péniblement. Maintenant, je ne sais pas. Allongé ou tournant sur moi-même. Peut-être toujours dans la cuisine, ou dans la salle de bain.
Lentement et distinctement, une intrusion cruelle. Une érosion mortelle.
Un gravier se décolle du mur, pour y tailler une minuscule ouverture. Le vent souffle sur ma nuque, raidissant mon corps. Je ne sens rien, mais ne peut plus bouger. Tout va très vite, et pourtant, la chute semble durer une éternité. Le son de mon crâne se brisant sur le carrelage, résonne jusque dans mes yeux. Il n’y a pas de sang. Seulement les éclats d’os et de cervelles, semblables aux morceaux de verre d’un vase brisé.